Attayar, le parti porte-drapeau de l’intégrité, de la propreté et de la lutte anticorruption, missions que ses dirigeants se sont octroyées depuis que les législatives de 2019 leur ont permis de gagner 22 sièges au Parlement, est confronté à sa première grande crise
Son fondateur et secrétaire général quitte le navire et décide de se retirer de la vie politique sans consulter ni aviser personne parmi les dirigeants du parti Attayar réussira-t-il à sortir indemne de cette crise ou implosera-t-il à l’instar d’autres comme le CPR ou Nida Tounès ?
C’était dans l’air depuis qu’il a pris la défense d’Elyès Fakhfakh dans l’affaire de conflit d’intérêts, estimant que l’aveu même de l’ex-Chef du gouvernement ne doit pas être pris en considération tant que la justice n’a pas dit son dernier mot.
Il s’agit de Mohamed Abbou, le super-ministre au gouvernement Elyès Fakhfakh chargé de la Fonction publique, de la Bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption et bénéficiant, sur ordre de Fakhfakh lui-même, de la gestion de toutes les instances de contrôle, d’audit et d’investigation sur la gestion des deniers de l’Etat, auparavant placées sous la supervision de la Présidence du gouvernement, au point que plusieurs observateurs n’hésitaient pas à le considérer, au vu des compétences qui lui étaient accordées et des domaines où il avait le droit d’intervenir, comme le vice-président du gouvernement, un poste que la Constitution n’a pas prévu mais que Fakhfakh et Abbou ont réussi à créer, de fait, au palais de La Kasbah.
Hier, Mohamed Abbou, l’ancien ministre mentor de la lutte contre la corruption, le champion autoproclamé de la propreté et de l’intégrité a célébré, à sa façon, la fin de sa mission à La Kasbah à la poursuite quotidienne (du petit matin jusqu’à minuit ou même plus) des corrupteurs et des corrompus dans le but de libérer les Tunisiens de leurs méfaits et de sauver les caisses de l’Etat de leurs interventions.
En effet, au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue dans le but de passer en revue les réalisations que son ministère a accomplies durant les six mois durant lesquels il a combattu la corruption «comme j’ai pu au vu des compétences très limitées qui m’étaient offertes et des moyens réduits dont je disposais» comme il a affirmé devant les journalistes, Mohamed Abbou a surpris tout le monde, en premier lieu les membres du bureau politique de son parti, à en croire Mohamed Ammar, député et porte-parole d’Attayar, en annonçant sa démission de son poste de secrétaire général et de membre du conseil national du parti.
Il est clair et tranchant : «Je n’occuperai plus aucun poste de responsabilité au sein du parti. Toutefois, je reste au sein d’Attayar en tant que simple adhérent». Mohamed Abbou ajoute au cours de la même conférence de presse : «Je me retire de la vie politique. Je ne suis plus concerné par aucune activité politique et je considère que mon image et ma réputation ont été ternies par l’action politique que j’ai menée jusqu’ici».
Pour conclure, Mohamed Abbou glisse une petite phrase sujette à toutes les interprétations possibles : «J’espère que la Tunisie n’aura plus besoin de mes services», ce qui revient à dire qu’il demeure convaincu que la Tunisie, donc le paysage politique actuel, pourrait recourir, de nouveau, à ses compétences, à son expérience, à son savoir-faire et à la stratégie inachevée d’éradication de la corruption qu’il a mise en œuvre sans avoir à en cueillir les fruits, à deux reprises.
D’abord, à l’époque du gouvernement de la Troïka I, sous la présidence de Hamadi Jebali, quand il occupait le poste de ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et quand il s’est trouvé obligé, à ses dires, de démissionner au bout de huit mois d’exercice «tout simplement parce qu’Ennahdha m’a empêché de concrétiser mon programme de réforme de l’administration», affirmait-il à l’époque.
Ensuite, ou en deuxième lieu, quand il a été chargé par Elyès Fakhfakh d’occuper le poste de ministre d’Etat chargé de la Fonction publique, de la Bonne gouvernenance et de la Lutte contre la corruption, département «qui avait ouvert les dossiers d’une extrême importance».
Et c’est l’ouverture de ces dossiers qui a poussé, accuse Mohamed Abbou, «une composante de la coalition au pouvoir (entendez Ennahdha) à chercher à renverser le gouvernement, sur la base d’informations de corruption erronées et dépourvues de tout fondement».
«La pérennité d’Attayar sera préservée»
Maintenant que Mohamed Abbou a vidé son sac et a dit ce qu’il avait sur le cœur en reconnaissant que «la situation dans ce pays semble encore plus complexe que je ne l’ai imaginé» et que certaines parties ont réussi «à créer une opinion publique à travers des informations erronées», la question que l’on se pose est la suivante : qu’adviendra-t-il d’Attayar à la suite de la décision de son principal fondateur de ne plus y occuper aucun poste de responsabilité et de se contenter du statut d’adhérent ordinaire (entendez n’ayant aucune possibilité de contribuer ou d’intervenir dans les orientations et décisions futures du parti ? Mohamed Ammar, député et porte-parole d’Attayar, répond à la question avec clarté et précision : «Attayar est une formation politique solide, toutes ses structures ont été élues démocratiquement. La démission de Mohamed Abbou n’aura pas d’impact sur la pérennité du parti».
C’est clair bien que le même porte-parole ait indiqué à l’agence TAP que «les dirigeants d’Attayar essayeront de convaincre Mohamed Abbou de revenir sur sa décision et de se mettre autour de la table du dialogue pour expliquer les motifs de sa décision».
On attend, désormais, ce que les «tayyaristes» décideront pour trouver une solution «à cette décision qui a surpris tout le monde au sein du parti» et pour savoir comment ils pourront dépasser cette crise sérieuse qui risque peut-être de faire imploser le parti.
Liberte
3 septembre 2020 à 11:53
Beaucoup d’hommes politiques feraient bien de s’inspirer de sa décision pour faire pareil, la république avancera d’un grand pas politiquement.